Je suis attirée par les vieilles images, imparfaites, usées, qui s’effacent, celles qui racontent des époques que je n’ai pas connues, des lieux où j’irai peut-être un jour, qui témoignent de quelque chose qui semble si éloigné de moi que ça me paraît être de la fiction. Je récupère des photos d’inconnus, des archives d’anonymes, mais aussi des images « communes » (cartes postales, albums touristiques, images de films…) et me les appropries.
Soit je tombe par hasard sur ces ensembles de photos, soit on me les donne, soit je les achète en brocante.
Ces photos servent de point de départ à mon travail. Recouvertes, rendues diaphanes, représentées par les lignes fragiles d’un dessin, réinterprétées; elles ne sont pas directement montrées. Ce n’est pas tant l’image en elle-même qui m’intéresse que ce qu’elle provoque chez moi, l’imaginaire qu’elle convoque…
Chaque cliché ou ensemble d’images est propice à créer des histoires.
Mes travaux interrogent le temps qui passe et ce qu’on en retient, les images oubliées, mises au rebut et celles en latence, comme suspendues.
C’est aussi une interrogation sur la légitimité et la nécessité de produire encore des images aujourd’hui, le fait de récupérer, de partir de quelque chose déjà existant.
Même mes propres photos, celles que je capture sont faites avec des appareils argentiques d’occasion et des pellicules que je développe moi-même avec des produits du quotidien.
Les séries sont conçues sur plusieurs années, en parallèle les unes des autres, chaque projet prend du temps car il se construit en même temps que plusieurs autres et je commence très souvent par le procédé avant de savoir quelles images vont convenir.
Je fais en général les premiers tests avec mes propres images, et j’écris en parallèle des bribes de textes.
C’est un peu comme si je construisais d’abord une banque de données avec plein de textes, plein de procédés de révélation d’images, et plein d’archives d’anonymes en stock et qu’ensuite tout venait plus ou moins naturellement se mettre en place comme un puzzle et s’articuler ensemble pour faire sens.
Le sens se dégage au fur et à mesure du travail d’assemblage (images-procédés-textes), un peu malgré moi et des interprétations diverses se forment sans que j’ai vraiment pensé à ça dès le début.
Les événements personnels comme des voyages, ou des faits quotidiens plus anodins viennent nourrir les textes et plus largement les projets, comme si tout pouvait être absorbé et retransformé pour servir au projet en construction.